jeudi 22 juin 2017

Les deux chats - Claris de Florian

Chat endormi, Auguste Renoir, 1882

Deux chats qui descendaient du fameux Rodilard,
Et dignes tous les deux de leur noble origine,
Différaient d'embonpoint; l'un était gras à lard,
C'était l'aîné; sous son hermine,
D'un chanoine il avait la mine,
 Tant il était dodu, potelé, frais et beau
Le cadet n'avait que la peau
Collée à sa tranchante épine.
Cependant ce cadet, du matin jusqu'au soir,
De la cave à la gouttière
Trottait, courait, il fallait voir !
Sans en faire meilleure chère.
Enfin un jour, au désespoir,
Il tint ce discours à son frère :
Explique-moi par quel moyen, 
Passant ta vie à ne rien faire,
Moi travaillant toujours, on te nourrit si bien,
Et moi si mal. - La chose est claire,
Lui répondit l'aîné : tu cours tout le logis,
Pour manger rarement quelque maigre souris.
- N'est-ce pas mon devoir? - D'accord, cela peut être : 
Mais moi je reste auprès du maître,
Je sais l'amuser par mes tours. 
Admis à ses repas sans qu'il me réprimande,
Je prends de bons morceaux, et puis je les demande
En faisant patte de velours; 
Tandis que toi, pauvre imbécile,
Tu ne sais rien que le servir.
Va, le secret de réussir,
C'est d'être adroit, non d'être utile.

Claris de Florian, Les deux chats, 1788

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